Applicable pour tout revenu payé après le 1er Janvier 2019, le Prélèvement A la Source (PAS) est une mécanique complexe sensée répondre à toutes les situations. Mais qu'en est-il pour l'intermittent, dont une part de son revenu provient de l'assurance-chômage, qui a souvent de nombreux employeurs et des contrats courts ?
L'essentiel
- Pour tout contrat avec un nouvel employeur (1er contrat), ou avec un employeur connu avec qui le précédent contrat date de plus de 2 mois, qui ne demandera pas le taux du salarié à l'administration, le PAS sera incorrect. En particulier, si le salaire est inférieur à 2027€, le PAS sera nul (aucun prélèvement).
- Pour tout contrat avec un employeur connu, faisant suite à un précédent contrat datant de moins de 2 mois, le PAS sera correct. Ce principe est aussi valable pour Pôle Emploi car l'indemnisation est régulière et mensuelle.
- Pour tout contrat avec un nouvel employeur, ou avec un employeur connu mais trop ancien, qui aura le bon logiciel de paie et qui demandera le taux du salarié à l'administration (système TOPAZE), le PAS sera correct.
- Comme avant, une déclaration des revenus de l'an passé sera nécessaire au printemps, et une régularisation de l'impôt et la détermination du nouveau applicable auront lieu en Septembre.
Analyse détaillée
Deux taux d'imposition possibles
Le taux personnalisé
C'est le taux communiqué par l'administration aux collecteurs (les employeurs, Pôle Emploi, Congés Spectacles...). Le salarié peut le consulter sur le site des impôts (dès fin 2018), et il est mis à jour par les impôts pour suivre l'évolution des revenus et de la situation de chacun. Ce taux peut être identique pour les membres d'une même famille, on parle de taux du foyer fiscal, ou, il peut être différencié, on parle alors de taux individualisé. Dans un cas comme dans l'autre, le montant de l'impôt dû par le couple reste le même, seule la répartition change.
Le taux non-personnalisé ou taux neutre
C'est le taux appliqué par le collecteur si le taux personnalisé n'est pas applicable. Il s'agit donc d'un taux par défaut, conçu pour répondre à 2 situations :
- le salarié ne souhaite pas transmettre à ses employeurs son taux personnalisé
- le collecteur ne dispose pas du taux personnalisé du contribuable au moment du calcul du PAS
Grille des taux neutres applicables mensuellement
Transmission du taux personnalisé à l'employeur
Par défaut, l'administration transmet le taux personnalisé du salarié à son employeur après la déclaration d'une première paie. En conséquence, lors de la première paie d'un contrat, le taux personnalisé du salarié est inconnu : l'employeur doit donc appliquer le taux neutre.
C'est le 1er inconvénient pour les intermittents qui ont régulièrement de nouveaux employeurs et qui se verront donc systématiquement appliquer un taux neutre lors d'une première paie.
Il est à noter que l'administration met également à disposition le système TOPAZE permettant à l'employeur de connaitre à l'avance (avant la première paie) le taux personnalisé de son futur salarié. Mais ce dispositif étant facultatif pour les éditeurs de logiciels de paie, et pour les employeurs, il est probable qu'il ne soit pas massivement utilisé...
Validité du taux personnalisé
Pour faire face aux changements de situation des contribuables, en particulier pour ne pas prélever un montant indû en cas de baisse brutale des revenus, l'administration a prévu que le taux personnalisé (transmis après un premier salaire) ne soit valable que pendant 2 mois.
C'est le 2ème inconvénient pour les intermittents : après un premier contrat payé fin Février, l'employeur reçoit le taux personnalisé du salarié, valable du 1er Mars au 30 Avril. Si le salarié n'est à nouveau sous contrat avec cet employeur qu'en Mai, la date de validité de son taux personnalisé sera dépassée et l'employeur devra à nouveau appliquer le taux neutre (comme en Février).
Contrats courts
Toujours pour ne pas surtaxer les contribuables dont le taux personnalisé est inconnu par l'employeur, l'administration prévoit que les contrats de moins de 2 mois (de date à date), se voient appliquer un abattement sur le salaire imposable, de manière à diminuer le PAS. Cet abattement fixé à un demi-SMIC, soit 624€ en 2019, est appliqué par contrat et par employeur.
C'est le 3ème inconvénient pour les intermittents, qui ont principalement des contrats courts. Comme vu ci-avant, pour tout premier contrat avec un nouvel employeur (ou contrat effectué plus de 2 mois après un contrat précédent), le taux neutre sera appliqué. Mais si en plus, ce contrat est de moins de 2 mois et inférieur à 2027€, l'assiette imposable réduite par l'abattement sera inférieure à 1403€ (2027 - 624), ce qui correspond au taux neutre de 0% (voir la Grille). Autrement dit, pour la plupart des 1er contrats (durée inférieure à 2 mois et salaire inférieur à 2027€), aucun prélèvement ne sera effectué !
Prélèvement à la fourche au siècle dernier
Conséquences pour les intermittents
La transmission du taux personnalisé du salarié à l'employeur, après une première paie, est inadapté à la structure de l'emploi d'un intermittent (la transmission "à la demande" aurait été préférable et techniquement possible).
Dans l'immense majorité des cas, le montant prélevé ne reposera pas sur le taux personnalisé de l'intermittent, celui qui est fidèle à sa situation personnelle, mais sur un taux approximatif et minoré. Contrairement à l'objectif de la réforme (un impôt exact, prélevé au plus près des rentrées d'argent), l'intermittent devra toujours épargner une partie de son salaire pour faire face à la prochaine régularisation.
Pôle Emploi fait figure d'exception car l'indemnisation est mensuelle, il dispose donc toujours du taux personnalisé de l'intermittent en cours de validité. Concrètement, lors de l'indemnisation payée début Décembre 2018 (portant sur l'activité de Novembre), PE a reçu le taux personnalisé de l'intermittent. Début Janvier 2019, ce taux étant toujours valide, PE a pu l'appliquer et prélever correctement l'impôt avant de verser l'indemnisation.
L'application propose une gestion du PAS adaptée à la spécificité de l'intermittence :
- gestion des taux d'imposition et leur date d'application
- calcul automatique de l'indemnisation Pôle Emploi après impôt
- calcul automatique du salaire net après impôt
- gestion de l'impôt à payer en Septembre
- synthèse des revenus
Calendrier annuel
La mise en place du PAS ne change pas le fait que l'impôt payé n'est pas forcément l'impôt dû. Comme avant, il sera nécessaire de déclarer ses revenus annuels afin que l'administration calcule précisément ce qui est dû, puis procède à :
- la régularisation, c'est à dire vous reverser le trop-perçu si l'impôt payé est supérieur à l'impôt dû, ou, vous réclamer un versement complémentaire dans le cas contraire
- la détermination du prochain taux applicable
Votre taux personnalisé applicable en 2019 est calculé à partir de votre déclaration du printemps 2018 portant sur vos revenus de 2017 :
- si vos revenus ont sensiblement augmenté en 2018, votre taux réel sera revu à la hausse, et l'impôt qui aura été prélevé sera inférieur à ce qui vous devez
- si vous avez eu un enfant courant 2018, vous bénéficierez d'une demi-part supplémentaire et votre taux réel sera revu à la baisse, l'impôt qui aura été prélevé sera supérieur à ce qui vous devez
- ...
Cet ajustement est inévitable, il est impossible de connaitre à l'avance la réalité des revenus et la situation d'un contribuable, on ne peut que les estimer à partir de l'année passée.
Mais il y aura aussi une régularisation induite par le non-prélèvement à la source de l'impôt sur les emplois courts d'intermittent ! Bien sûr, si l'intermittent a trop payé, la régularisation sera une bonne surprise, mais le problème se posera pour celui qui n'aura pas anticipé que beaucoup de ses employeurs n'ont pas prélevé l'impôt.
Chaque année, le calendrier sera immuable, par exemple en 2020 :
- au printemps 2020, déclaration des revenus de l'année 2019
- à l'été 2020, réception de l'avis d'imposition indiquant le nouveau taux applicable de l'automne 2020 à l'été 2021
- à l'automne 2020, régularisation de l'impôt dû pour l'année 2019